Amateur, fan ou rêveur, nostalgique, passionné ?
La deuxième semaine du certificat en culture vidéoludique m’aura confronté à un problème personnel, je ne me sens pas en accord avec le concept de “Fan de…” en lien avec le monde du jeu-vidéo… Pourtant, en lisant les témoignages des autres participants, je me questionne alors : ne suis-je pas dans le déni ?
Il s’agit là de la seconde thématique abordée cette semaine, le rôle des Amateurs, Moddeurs et Fans dans la culture vidéoludique, des courants peu visibles dans L’histoire du Jeu vidéo puisque le plus souvent posée comme canonique, elle ne retient en général que les vainqueurs.
Une question nous était alors posée sur notre pratique de Fan.
Si très vite j’ai pu dans un premier temps trouver une série de pratiques passionnées allant de la modification du code de jeux-vidéo pour changer le nom des pilotes de jeux de course, la création de jeux en Game Maker reprenant parfois des univers d’autres jeux que j’adorais. L’implication dans des communautés et projets autour des remixs de musique de jeux-vidéo, passionnés de Commodore 64 ou grand rassemblement pour créer le nouveau jeu d’aventure Point & Clic. Ma collection personnelle de vieux jeux et consoles, l’écriture d’article sur des licences que j’aime tout particulièrement, composition de musique 8bits et l’intérêt pour des vêtements et objets en lien avec l’histoire du jeux vidéo. Malgré cette multitude d’exemples que j’aurais pu citer…
J’ai un peu de difficulté à me faire entrer dans l’idée de “FAN de” en lien avec l’univers du jeu vidéo.
Je suis pourtant un amoureux des pixels et des vieux sons, j’aime retrouver des franchises, des héros, des genres. Mais je me sens à accrocher le mot FAN à une certaine forme de culte qui défie certains codes que l’adulte, le papa que je suis devenu ne peut accepter.
Si je regarde le jeune joueur que j’étais, je ne peux pourtant pas cacher que j’ai été “FAN de”. Non pas d’une licence, même si j’ai aimé les Mario et autres Sonic évidemment, mais de studio, de ses personnes qui créaient les nouveaux jeux signés Titus, Lucas Arts, Apogee, ID Software, Accolade, Microprose,… Je n’avais aucune idée de combien ils étaient, il est d’ailleurs bien probable qu’ils aient été différents d’un jeu à un autre, mais très souvent, le plaisir du jeu qu’un Prehistorik signé Titus allait se retrouver dans Blues Brothers puis Moktar émanant du même studio. L’exploration et la quête aux bonus et passages secrets des titres d’Apogee et ID Software avec Keen Commander allaient pouvoir se retrouver dans un Bio Menace, Duke Nukem ou Hocus Pocus… Alors peut-être qu’en “Fan De”, j’allais partir en quête de trouver de nouveaux jeux, souvent plus anciens à ajouter à ma collection, à en tenir une base de données et rassembler autour de moi d’autres “Fan De” ce courant “Shareware” moins connus des autres joueurs de ma génération… Parce qu’au fond, dans les magazine que je lisais, Gen4, Joystick, MegaForce ou Super Power, on ne parlait pas de ces jeux là… J’avais l’impression d’être celui grâce à qui ces jeux pouvoir se répandre, se propager d’ordinateur en ordinateur !
Très rapidement, jouer m’a donné envie de créer des jeux. Si j’ai longtemps dû le faire sur papier en attendant que mon frère programme quelques choses à l’écran. En 1995, nous avons fini par mettre la main sur un Game Maker, permettant de créer des jeux soi-même. Débordant d’idées, nous avons d’abord commencé à faire vivre toute une série de personnages et d’univers de notre propre cru même si, tous les studios cités plus haut, leur esprit et leur manière de me transmettre du plaisir à jouer ont été des modèles à suivre. Mais il y eu tout de même un projet de “Fan De” qui pourrait se démarquer, un jeu mettant en scène le fils de Billy Blaze de la série Keen Commander d’ID Software.
Dans notre projet du nom de Xeen Commander reposant sur le Game Maker de Recreational Software Design que nous avions apprivoisé depuis une année déjà. Le choix de créer un jeu autour de Keen Commander n’était pas anodin. Ce jeu était pour nous, jeunes joueurs PC l’équivalent de ce que Super Mario Bros était aux consoles de Nintendo. Avec 5 épisodes officiels, un 6° en version de démonstration et un spin-off sorti en quelques années, il y avait une certaines matière à reprendre et recomposer. L’idée de base étant de traverser des univers déjà vu dans la série tout en profitant de 256 couleurs plutôt que 16, des personnages retravaillés,… L’étude de l’alphabet énigmatique des aventures de Keen Commander avait été intégré pour laisser nous aussi quelques messages aux joueurs. On peut, je le pense vraiment parler d’un travail de fan, puis qu’aujourd’hui encore, 25 ans plus tard, de nombreux nostalgiques d’un retour de Keen Commander sur les écrans s’intéressent à ce petit jeu… A mes yeux pourtant, ce n’est que l’un des projets moyens de nos rêves d’ado de 16 ans à créer notre propre studio de création de jeux vidéo 100% belge, ni plus ni moins, le studio P.P.P. Team Software !
Bien des années plus tard, l’arrivée d’Internet m’aura permis de partager ce qui était du “Fan De” en passion et en histoire. De découvrir d’autres personnes qui avaient été marquées par ces jeux. Mais aujourd’hui, plus qu’hier, je n’aime pas plus me coller cette étiquette de Fan de Nintendo, de Fan Retrogaming ou de Fan de Commodore… Je leur préfère des approches plus poétique que sont rêveur, nostalgique, amoureux et j’aime à m’entourer tout ce qui m’en rapelle ! Alors suis-je dans le déni ?
Analyse
La seconde partie de l’après-midi était donc rythmée par Fanny Barnabé et Pierre-Yves Hurel pour introduire la notion de Fan et d’Amateur en lien avec l’univers du jeu vidéo et approfondir mes premières réflexions.
Le Fan peut se distinguer du FanBoy qui aura une image plus “hardcore”. Le FanBoy ne mettant pas de distance entre l’objet et la réalité. Le Fan, lui se posera donc plus rapidement la question suis-je vraiment un Fan ? — Tiens, donc.
Le Fan en lien avec le jeu vidéo se positionne en tant que joueur, créateur et critique. Il ne cherche pas à monétiser son travail et se méfie de la ré-appropriation de celui-ci par un modèle commercial.
L’amateur, quant à lui, se situe d’emblée comme celui qui n’est pas un professionnel, même s’il pourrait envisager le devenir. Ces oeuvres, qu’elles soient réalisées par programmation ou de manière assistées avec un logiciel d’aide à la création se veulent être dans une approche gratuite, de plaisir et de passion. — indéniablement, tout le travail mené par le frangin avec la création de Bilou sur la Nintendo DS colle parfaitement à cela. C’est déjà peu-être beaucoup moins le cas pour Matt maintenant que les projets de PowerGlove ou Wolfling ont pour aboutissement finale la commercialisation à petite échelle pour le marché de niche du Commodore 64 et l’Amiga.
Avec plusieurs expériences dans mon eco-système de créations de FAN, de Homebrew ou de jeux réalisés en Game Maker, dont toute une facette lorsque j’étais ado dans les années 90. Je me pense que cette approche de faire rentrer ces pratique dans des cases d’Amateur, Moddeur ou Fan implique de pouvoir avoir prendre du recul et avoir un regard avec une certaine maturité. A 16, 18, 20 ans lorsque l’on crée un jeu vidéo en le détournant ou en s’assistant d’outils, ne se voit on pas tout simplement le futur grand créateur de jeu vidéo qui détient la nouvelle idée géniale ? (oui, c’est du vécu !)
Cette analyse aura montré également un décalage à nouveau entre les “générations de machines” qui rythme l’histoire canonique du jeu vidéo, et ce que l’on en retient. Aujourd’hui encore de nombreux nouveaux jeux vidéo sortent sur des outils tels que RPG Maker ou sur des machines anciennes, comme ceux auxquels j’ai collaboré sur le Commodore 64.
Être fan et vieillir
Tout en approfondissant le sujet avec intérêt dans ce petit article de David Peyron “Etre fan et vieillir”, je me suis demandé si finalement les Fans dans le jeu vidéo étaient plus représentatifs des adolescents ?
Être fan ce n’est donc pas aimer un objet c’est changer avec cet objet, au travers de cet objet, et y revenir à chaque étape de sa vie pour l’aborder d’une manière différente et toujours en tirer des choses qui raisonnent avec le moment de notre vie où l’on se situe.
J’avais un sentiment personnel que ce genre de pratique devait être majoritairement en lien avec des adolescents ou jeunes adultes. L’analyse cible d’ailleurs cette période de l’adolescence comme propice à un identification secondaire (plus en lien avec le cercle parental) qui s’assimilera à être “Fan de”. J’ai eu envie de savoir si dans les recherches sur ce sujet menées par Fanny Barnabé, elle avait aussi constaté une tendance à révéler que les pratiques de Fan dans le monde du jeu vidéo se positionnaient chez les adolescents. Mais peut-être les pseudos ne permettent-ils pas de si facilement faire cette analyse.
Si l’on étend le phénomène de Fan à la Pop culture, on retrouvera des fans de tout âge. Tant de Sherlock Holmes, de JJR Tolkyen que de Pokemon ou Harry Potter cela permet de prendre un peu plus de recul sur la réflexion. En grandissant, on apprend à accepter ces identifications, à vivre avec et parfois sans les mettre en avant en permanence. En rejouant à un jeu comme on regarde à nouveau un film, en découvrant comment il a été conçu, apprécié, pour ma part en s’intéressant à l’histoire du jeu vidéo, on reconsidère sa manière d’être fan.
Je me retrouve assez bien dans cette démarche. Étant gamin, j’étais un “pro Commodore”, donc un “Anti-Atari”, que j’appelais d’ailleurs les Araté. Ce n’était pourtant au fond pour moi que la marque concurrente dans l’espace dédié aux micro-ordinateurs du supermarché GB avant l’arrivée des consoles de jeux. Je n’ai jamais eu d’Atari, je n’ai connu personne qui en possédait et une fois entré dans les années 90, ce n’était plus qu’un souvenir anecdotique.
Pour tant lorsque la Pop Culture a remis à la mode les logos, les vieilles licences, pour faire vibrer les nostalgiques et réveiller en eux leur “Fan Attitude”, je me suis identifié à ce logo, à cette marque, qui était alors la seule à montrer une période antérieure à SEGA et Ninendo dans les objets permettant de s’identifier.
Bon, tout ceci ne touchait que la moitié de l’après-midi, je reviendrais ensuite sur les œuvres transmédia une fois que j’aurais terminé de mettre en page mes notes.
J’aime également à vous partager tout l’archivage de ma pratique de “rêveur” de jeux-vidéo que j’avais écrite l’année dernière lors de la première session du MOOC.